Il a défendu les plus démunis pendant près de 30 ans

Photo Guy Latour

Le 30 juin prochain sera une date très spéciale pour l’avocat criminaliste Me Michel Leclerc.

Il prendra en effet sa retraite après 30 ans au bureau de l’Aide Juridique (AJ) de Joliette. « Je me suis toujours dit qu’à 60 ans, je voulais commencer à profiter de la vie un peu. Je ne veux pas faire comme deux anciens collègues de golf, Robert Lacoste et Robert Beaulieu, décédés à 59 et 61 ans, et qui n’ont pas pu passer du bon temps », a t-il souligné en entrevue exclusive au Lanauweb.

Sa retraite de l’Aide juridique ne signifie pas pour autant sa retraite comme avocat. Dès le 2 juillet prochain, il travaillera à mi-temps en pratique privée. Il gardera la majorité des dossiers qu’il avait commencé à représenter alors qu’il était à l’AJ.

« Depuis mon tout jeune âge, j’aime argumenter et la joute oratoire. Le droit me permet d’avoir de bons arguments. Je suis quelqu’un qui déteste l’injustice et j’aime bien la combattre », a-t-il ajouté.

Reçu membre du Barreau du Québec en 1985, Me Michel Leclerc a commencé sa carrière au cabinet Trudel, Roy et Laporte de Joliette en droit  civil et commercial. Durant les vacances d’un collègue, il a été appelé à faire des dossiers de la GRC.

« Ma cause la plus marquante fût un procès devant le défunt juge André Joly pour une histoire de trafic de stupéfiants. Il a duré 11 jours et l’accusé avait été reconnu coupable et condamné à de la prison.  L’avocat de la défense était le réputé Me Léo-René Maranda, qui cumulait 31 ans d’expérience. Il avait déposé quatre requêtes sur la charte durant le procès», s’est-t-il remémoré.

700 dossiers

C’est en 1990 qu’un poste permanent en droit criminel s’est ouvert à l’AJ. Me Leclerc a appliqué et il a été sélectionné. Sa transition s’est faite assez facilement.

Au début, il faisait équipe avec Diane Roux, aujourd’hui juge à la Chambre de la jeunesse à Saint-Jérôme. Lors de la réforme en 1997, jusqu’en 2008, il était le seul avocat criminaliste de l’AJ avec plus de 700 dossiers à traiter annuellement

« J’ai toujours vu ça comme une pièce de théâtre. Il y a un procureur de la Couronne et un à la Défense. Leur rôle se ressemble énormément. Il  y a beaucoup de négociation. 90% des dossiers se règlent sans qu’il y ait de procès », a précisé Me Michel Leclerc.

Au cours de sa carrière à l’AJ, il n’a jamais fait de procès devant jury. Son dossier le plus marquant fût certes celui de Jocelyn Beaulieu. « À la suite d’une collision frontale, mon client avais été accusé de trois chefs de meurtre prémédité. Durant les procédures, j’ai déposé une requête Nixon  car il y avait eu une entente avec la Couronne, mais celle-ci avait été bloquée par les supérieurs du Directeur des Poursuites Criminelles et Pénales (DPCP). Un juge de la Cour supérieure m’avait donné raison et il y avait finalement eu plaidoyer de culpabilité à trois chefs d’homicide involontaire », d’expliquer l’avocat.

D’ailleurs, il dénonce le manque d’autonomie des procureurs du DPCP. « Ils ne peuvent poser certains gestes car ils doivent souvent demander l’autorisation de leurs supérieurs, en plus de suivre plusieurs directives. De nouvelles directives ont été données à la fin de 2018 afin de donner plus d’autonomie aux procureurs de la Couronne. Mais on attend encore les effets de ça », a mentionné Me Leclerc.

Parmi les autres dossiers importants, il y a eu ceux d’Éric Branchaud (acquitté d’homicide involontaire), Sylvain Guidi (non criminellement responsable des meurtres de ses parents) et d’une mère qui a tenté d’empoisonner ses enfants dont un qui était autiste à Sainte-Julienne (elle avait écopé d’une peine symbolique d’une journée de prison).

La pratique du droit criminel s’est aussi raffinée au fil des années. « Il y a eu plus de preuve scientifique qu’auparavant. Les moyens de défense sont plus difficiles dans le cas d’agression sexuelle ou d’alcool au volant », a souligné l’avocat d’expérience.

« Mon travail est de prêter mon savoir dans le respect des règles. Parfois, j’ai pu froisser des collègues et surprendre des juges mais je ne me suis jamais arrêté à la popularité de mes arguments », a conclu Me Michel Leclerc qui n’exclut de prononcer à nouveau des conférences lui qui en a fait une quinzaine en carrière dont neuf lors des congrès de l’Association Québécoise des Avocats et des Avocates de la Défense.