Revue judiciaire – avril à juin 2019

Photo Guy Latour. Maryann-Lambert

Avril

À la mi-avril, Michael Desmarais, 29 ans, a plaidé coupable, au palais de justice de Trois-Rivières, à trois chefs d’accusation en lien avec  l’appel au colis suspect en mars 2018, au Château Joliette. Il s’agit de méfait public, d’avoir eu l’intention de nuire ou d’alarmer, les policiers, les employés du Château Joliette et ses clients ainsi que de bris de condition. le 12 mars 2018, alors que le député bloquiste de Joliette, Gabriel  Ste-Marie, devait prononcer une allocution au dîner mensuel de la Chambre de Commerce du Grand Joliette. La Sûreté du Québec avait reçu un premier appel vers 10h45 pour une alerte au colis suspect. Il n’a fallu que quelques minutes pour les employés de l’hôtel ainsi que les gens qui se trouvaient à l’intérieur pour évacuer les lieux. Desmarais a été condamné à une peine de trois mois consécutive à une autre sentence de 21 mois des introductions par effraction dans des résidences de Trois-Riivières.

Le 29, une jeune femme de 21 ans a reconnu pour avoir causé la mort de deux motocyclistes à Sainte-Geneviève-de-Berthier, en juin 2017. C’est en larmes que Maryann Lambert a plaidé coupable à trois chefs d’accusation en matinée soit deux de conduite dangereuse causant et un de possession simple de résine de cannabis. Le drame est survenu le 10 juin 2017 vers 11h00 du matin. Selon le résumé des faits présenté devant le juge François Landry, l’accusé avait passé la soirée dans un bar dans les heures précédentes de l’accident et n’avait pas dormi de la nuit. L’impact est survenu sur le rang Saint-Esprit (route 347). Selon la preuve, quelques secondes avant la collision, l’accusée a multiplié les textos en se déplaçant. Sa mère lui a même demandé de cesser. C’est alors que, distraite, Maryann Lambert a légèrement fait dévier son véhicule qui a heurté une motocyclette qui arrivait en sens inverse. Les deux personnes, qui étaient à bord de cette moto, Pierre Parent, 53 ans, et Danielle Dupuis, 57 ans, tous deux de Saint-Alphonse-Rodriguez, n’ont eu aucune chance et sont décédés au CHDL où ils avaient été transportés d’urgence. Après plusieurs mois d’enquête, l’accusée avait arrêtée en octobre 2018. L’accusée envoyé une lettre d’excuses aux familles des deux victimes quelques jours avant d’enregistrer son plaidoyer de culpabilité.  Une suggestion commune de 30 mois a été entérinée par le juge François Landry, le 29 juillet. « Aucune peine ne pourra ramener ces deux personnes à la vie. Le tribunal trouve cependant inquiétant que l’accusé ait pris conscience de son geste sur le tard », a commenté le juge dans sa décision. « Au moment de l’accident, ma cliente vivait beaucoup de révolte en raison de la perte d’un être cher lors d’un accident de la route. Elle ne voyait pas d’issue à son problème et était dépressive » a souligné l’avocat de la jeune femme, Me Michel Leclerc, dans sa plaidoirie.

Mai

Le 2, à quelques jours du début de son procès devant jury pour meurtre non-prémédité, Pierre Courtois, 77 ans, a plaidé coupable à une accusation réduite d’homicide involontaire sur Sylvie Deshaies. Au départ, il était accusé de meurtre au premier degré par le DPCP avait modifié l’accusation lors de l’enquête préliminaire, procédure que l’accusé avait renoncé. La victime et l’accusé se sont rencontrés vers la fin de l’année 2016. Ils se sont fréquentés jusqu’à ce que la victime emménage chez l’accusé au début du mois de mai 2017. La cohabitation entre ces deux personnes a été difficile considérant leur mode de vie incompatible. À la suite de plusieurs désaccords et querelles sur divers sujets, la victime a alors décidé de quitter l’accusé près de deux semaines plus tard. Après une réconciliation le 29 juin 2017, la victime est même allé retirer sa plainte contre M. Courtois pour une histoire de méfait sur son véhicule. Dans la soirée du 4 juillet 2017, Pierre Courtois s’est présenté au domicile de Sylvie Deshaies, cette dernière se trouvait dans un état d’ébriété très avancé. Une chicane éclate à propos d’une autre femme qui aurait assisté à trois spectacles de la Saint-Jean, dans les jours précédents le drame. La victime est furieuse et affirme à plusieurs reprises: « Pourquoi tu m’as fait ça »,  faisant référence à la présence d’une autre personne. Elle devient alors agressive envers l’accusé et une altercation s’ensuit. À un certain moment lors de cette altercation, la victime tombe ultimement face première contre le sol. Au moment où il la retourne, il constate qu’elle saigne beaucoup du visage et qu’elle est inconsciente. Pris de panique, l’accusé sort la victime de la maison dans ses bras et la met dans le coffre de la voiture de la victime. Il quitte ensuite et, toujours en état de panique, se range sur le côté de la route et appelle sa fille. La victime est alors semi-consciente et somnolente. Pierre Courtois a ensuite suite le volant et conduit la voiture sur la route 158, jusqu’au moment où il dévie volontairement devant un camion-remorque et cause alors une collision frontale, en étant indifférent que la victime en décède ou non. La collision provoquera immédiatement un violent incendie dans la voiture. Le juge François Dadour a condamné M. Courtois à 81 mois de pénitencier. La famille de Sylvie Deshaies s’est dite déçue que le juge n’ait pas condamné l’accusé à une peine de 12 ans, tel que recommandé par la Couronne.

Le 3, au terme des plus longues délibérations de jurés au Canada, deux hommes ont été reconnus coupables des meurtres prémédités de Johnny Coutu et Benoit Denis, respectivement tués à à Laval et à Saint-Alphonse-Rodriguez, entre 2009 et 2010 ainsi que deux chefs de complot de meurtre. Yves Denis et Denis Lefebvre ont subi leur procès durant près d’un an au Centre judiciaire Gouin de Montréal. Les deux accusés ont par ailleurs été acquittés de l’homicide involontaire de Kevin Walter et de voie de fait graves. Les deux accusés, deux criminels de Val-d’Or, étaient à la tête d’un réseau lié aux Hells Angels. Ils avaient écoulé 650 kg de cocaïne en Abitibi, pour un chiffre d’affaires de 50 millions $ en 2007 et 2010. La preuve au procès reposait notamment sur le témoignage du tueur à gages qui avait reçu la commande de tuer de Johnny Coutu, Kevin Walter, et Benoit Denis Le meurtre de Benoit Denis est survenu le ou vers le 13 mai 2010. Yves Denis était le frère de la victime qui aurait été complice du tueur à gages. Il aurait été éliminé « parce qu’il parlait trop » avait souligné le procureur de la Couronne à l’ouverture du procès, Me Jonathan Meunier. Ce dernier a fait entendre une cinquantaine de témoins. Le tueur à gages a plaidé coupable en août 2011, à six accusations, soit deux de meurtre prémédité, un d’homicide involontaire et trois complots pour meurtre.  Il purge une peine de prison à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Puisqu’Yves Denis et Denis Lefebvre ont été reconnus coupables de meurtre prémédité, ils sont automatiquement condamné à la prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ans. Les deux meurtriers purgent déjà une peine de 17 ans de prison pour complot, trafic de stupéfiants, gangstérisme et évasion d’une garde légale. Dans cette affaire, deux autres personnes ont été accusées de meurtre prémédité et complot pour meurtre de Benoit Denis dans le district judiciaire de Joliette. Marc-André Rocheleau, 36 ans, avait plaidé coupable à une accusation de complot de meurtre en septembre 2015 et a été condamné à 25 ans de prison moins quatre ans de détention préventive. De son côté, Sébastien Grenon, 32 ans, a été acquitté au terme son procès devant jury au palais de justice de Montréal, à l’automne 2018.

Le 8, au terme de son enquête préliminaire, le policier de la SQ, Benoit Richard, a été cité à procès sous deux chefs accusation.  Le juge Normand Bonin a tout d’abord conclu, en matinée, le 8 mai, au palais de justice de Joliette, que la preuve n’était pas suffisante concernant le chef d’abus de confiance. Il a cependant cité l’accusé de 48 ans à procès sous des chefs d‘avoir fait un faux document avec l’intention d’engager quelqu’un en lui faisant croire que ce document est authentique ainsi que de sachant ou croyant qu’un document est contrefait et fait ou tente de faire accomplir comme s’il était authentique. Les faits se seraient déroulés entre le 7 octobre 2016 et 4 novembre de la même année à Mascouche. L’accusé faisait l’objet d’une enquête de la Direction des Normes Professionnelles de la SQ depuis l’automne 2016. Il avait été suspendu de ses fonctions de policier, en décembre de la même année, avec solde. Benoit Richard a été porte-parole de la SQ durant quelques années, ses dernières apparitions publiques remontaient à décembre 2014. Il a aussi été porte-parole de la police municipale de Joliette jusqu’à sa dissolution en 2008.

Juin

Le 10, Alexan Moar, cet individu qui a plaidé coupable à une accusation réduite de négligence criminelle causant la mort d’André Binette, a été condamné une sentence suspendue avec une probation d’un an. Il avait purgé trois ans de détention préventive.  L’accusé et la victime se trouvaient dans un logement du boulevard Sainte-Anne dans la nuit du 28 février au 1er mars 2017. Les deux personnes étaient intoxiquées cette nuit-là. Alexan Moar était sous l’effet de l’alcool et des « speeds » et n’avait pas dormi depuis plus de 24 heures. De son côté, André Binette avait consommé, en plus d’un médicament antipsychotique, des « speeds » et probablement de la cocaïne. La nuit du drame, M. Binette a demandé à M. Moar de lui remettre une somme d’argent en remboursement à une dette de drogue. Comme l’accusé refusait de donner de l’argent, la victime a tenté de lui arracher une boucle d’oreille pour récupérer son argent. C’est alors que l’accusé a frappé avec force de son poing au visage de la victime, sans que cette dernière ne réplique, puis l’a poussée vigoureusement. M. Binette est tombée au sol sans jamais se relever. Alexan Moar a pris la fuite et est repassé dans le logement dans les heures suivantes sans se préoccuper d’aucune façon de la victime qui agonisait au sol à ses côtés. À ce moment, l’accusé a omis de demander des secours même s’il avait la connaissance que la victime avait reçu un  coup de poing et avait été violemment poussée. Ce n’est que le 2 mars 2017, à 10h30 du matin, que les policiers de la SQ se sont rendus sur place après avoir reçu un appel pour un corps inanimé dans un logement. La victime gisait au sol avec une blessure à la tête.  André Binette est donc resté dans cette position durant plus de 24 heures sans que personne ne lui prête assistance. Selon le rapport du pathologiste, le Dr Yann Dazé, la cause du décès est attribuable à un traumatique contondant à la tête résultant de la chute au sol de la victime. Ainsi, la mort de M. Binette est le résultat du coup de poing, de la chute au sol et du manque des soins. Selon le témoignage du Dr Daze, lors de l’enquête préliminaire d’Alexan Moar, le 27 mars 2018, il aurait été possible de sauver la vie de la victime si des soins lui avaient été prodigués en temps voulu M. Moar a asséné un coup de poing avec une force manifestement démesurée et l’a poussé vigoureusement au sol alors que ce n’était pas nécessaire. De plus, l’accusé a fait preuve d’insouciance déréglée et téméraire à l’égard de la vie de M. Binette.

André Binette, sentence, Alexan Moar, négligence criminelle
Photo courtoisie. Alexan Moar

Le 30, après 30 ans au bureau de l’Aide Juridique (AJ) de Joliette, Me Michel Leclerc a pris sa retraite. Il a continue cependant à demi temps en pratique. Reçu membre du Barreau du Québec en 1985, Me Michel Leclerc a commencé sa carrière au cabinet Trudel, Roy et Laporte de Joliette en droit  civil et commercial. Comme avocat de la défense, il a notamment défendu Jocelyn Beaulieu (il avait accusé de meurtre prémédité mais avait plaidé coupable à deux chefs d’homicide involontaire), Éric Branchaud (acquitté d’homicide involontaire), Sylvain Guidi (non criminellement responsable des meurtres de ses parents) et une mère qui a tenté d’empoisonner ses enfants dont un qui était autiste à Sainte-Julienne (elle avait écopé d’une peine symbolique d’une journée de prison).  De 1997 à 2008, il était le seul avocat criminaliste de l’AJ avec plus de 700 dossiers à traiter annuellement.

Photo Guy Latour. Me Michel Leclerc