Lettre ouverte de la TROCL (Table régionale des organismes communautaires autonomes de Lanaudière TROCL)
Mardi dernier, le gouvernement du Québec était supposé marquer l’histoire en annonçant des rehaussements importants du financement à la mission globale des organismes communautaires autonomes. Suite à une mobilisation sans précédent des organismes communautaires autonomes lanaudois et québécois en février 2022, force est de constater que la réalité est fortement décevante pour le ¾ des organismes communautaires autonomes, soit ceux financés en santé et services sociaux.
Alors que le gouvernement lançait son budget et qu’il se targuait d’investir 1,1 milliard de dollars pour les organismes, nous ne pouvons qu’exprimer une grande déception, car ce montant est une opération marketing. Le gouvernement ne rehaussera pas le financement des organismes communautaires autonomes en termes de milliard de dollars. C’est faux ! Cette année, les 4000 organismes verront leur financement rehausser de 117 millions de dollars. Dans 5 ans, ce montant représentera un rehaussement véritable de 234 millions de dollars. On est bien loin du milliard de dollars.
En parlant de milliards de dollars, le gouvernement veut montrer à la population l’effort qu’il effectue pour notre milieu qui est sous-financé depuis des décennies. Mais pourquoi utiliser des chiffres astronomiques de cette ampleur, quand ce n’est pas la réalité. Cela met notre mouvement dans une situation difficile. Il faut transformer une nouvelle qui aurait pu être un moment fort important pour les organismes en une série de doléances. Pourtant nous savons que de nombreux.ses député.es ont travaillé fort pour vivre ce moment historique. Toutefois, quand on additionne sur cinq ans un investissement qui est récurrent, on fausse la réalité. Si vous gagnez 45 000 $ par année et que votre patron vous dit que vous êtes payé 225 000 $ pour les 5 dernières années, vous allez trouver ça étrange, et avec raison. C’est ce que le gouvernement québécois a fait dans son annonce budgétaire. C’est vraiment très décevant.
Un lendemain qui a un goût amer
Le budget québécois annonce un investissement de 37 millions de dollars pour les 3000 organismes financés en santé et services sociaux. Cela représente une hausse moyenne de 12 333 $ par organisme. Dans une situation de pénurie de main-d’œuvre, de difficultés d’être attrayant, de conditions salariales précaires, d’augmentation des besoins de la population, des effets de la pandémie de la COVID, la réalité des organismes demeure la même qu’avant ce budget. Ils feront encore face aux mêmes défis que les 20 dernières années. Ils iront encore voir leur député.e pour revendiquer davantage de financement. En santé et services sociaux, les organismes revendiquent 370 M$ au Québec. Dans Lanaudière, on parle d’environ 35 millions de dollars revendiqués. Si on se fie aux investissements des dernières années, les organismes lanaudois se partageront moins de 2 millions de dollars. Nous sommes vraiment loin du compte. Nous nous demandons pourquoi le ministre Lionel Carmant maintient les organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux dans cette situation ? Pourquoi n’a-t-il pas choisi de reconnaître le grand impact positif des organismes en augmentant substantiellement le financement à la mission globale ? Nous aimerions qu’il explique sa décision directement aux organismes.
Nous aimerions souligner les bons coups
Pourtant, dans le budget, il y a quelques mesures intéressantes. Tout d’abord, on retrouve un investissement de 54 millions de dollars pour les organismes financés par différents ministères, autres que le ministère de la santé et des services sociaux. Dans cinq ans, cet investissement représentera 135 millions de dollars. Nous aimerions célébrer cette bonne nouvelle, toutefois, en ce moment, nous ne sommes pas assurés que l’ensemble des 1000 organismes financés par les autres ministères sont concernés par cet investissement majeur. Ces organismes ont très souvent été oubliés dans les budgets précédents. Et nous ne savons pas si ces investissements seront enfin indexés annuellement afin de suivre l’augmentation des coûts annuels. Pourquoi le gouvernement n’annonce-t-il pas de façon claire et transparente les mesures liées aux organismes communautaires autonomes ? Ce serait pourtant très simple de lister chaque programme ministériel avec le montant investi. Cela serait structurant pour les organismes communautaires autonomes.
L’autre nouvelle intéressante est le chapitre complet sur le renforcement de l’action communautaire et le soutien aux collectivités. Pour la première fois, l’action communautaire est vraiment présentée dans le budget du Québec. Voilà une mesure très structurante. On retrouve enfin la réalité des 4000 organismes communautaires autonomes qui font un changement important dans la vie de centaines de milliers de québécoises et de québécois. Par contre, juste pour tenter de comprendre l’intention gouvernementale derrière ce chapitre, cela nous a pris plusieurs heures. Alors que nous nous attendions à de la clarté et de la transparence, c’est tout le contraire qui nous a été déposé. C’est très décevant.
Le communautaire aurait aimé célébrer les bonnes nouvelles
Je vous le dis, nous étions vraiment prêtes et prêts à célébrer les bonnes nouvelles pour le communautaire. Précédent le budget, les attentes étaient élevées face à la reconnaissance dont a été gratifié le mouvement communautaire autonome pour son action pendant la pandémie et grâce aux différents travaux accomplis dans les derniers mois avec les instances gouvernementales. Nous aurions vraiment apprécié dire qu’enfin, les organismes communautaires autonomes passaient à une nouvelle étape. Or, malgré un investissement important de 117 millions de dollars cette année, qui est historique, et qui a terme représentera 234 millions de dollars, soit un peu plus de la moitié de la revendication d’une augmentation de 460 millions de dollars, il est difficile de se réjouir, compte tenu du faible investissement pour le ¾ des organismes, de toute cette comptabilité créative et d’informations opaques et difficiles à comprendre.
Nous aimerions comprendre
La TROCL tend aujourd’hui la main à l’ensemble des élu.es lanaudois.es pour comprendre la situation vécue avec ce budget. Ce n’est pas une guerre de chiffres dont nous voulons discuter. Nous voulons comprendre pourquoi le financement des organismes en santé et services sociaux a été aussi peu rehaussé. Nous voulons comprendre pourquoi le gouvernement n’a pas été transparent dans sa présentation des chiffres à la population et aux organismes. Pourquoi le gouvernement ne réussit-il pas à passer de la parole aux actes quand vient le temps de soutenir adéquatement le financement à la mission des organismes communautaires autonomes? Les organismes communautaires autonomes lanaudois aimeraient avoir une explication claire. Cette main tendue se transformera en une demande de rencontre avec le caucus des député.es lanaudois afin d’avoir des éclaircissements.
Hugo Valiquette directeur de la TROCL