Le Tribunal administratif du travail constate que CRH – Ash Grove utilise des briseurs de grève dans une décision marquante au niveau du droit

Photo courtoisie François Morin CFNJ nouvelles

Dans une décision rendue la semaine dernière, le Tribunal administratif du travail (TAT) a conclu que Ash Grove – CRH Canada a contrevenu au Code du travail en ayant recours à des briseurs de grève alors qu’il impose un lock-out aux membres de la section locale 177 d’Unifor à sa cimenterie de Joliette.

En plus de constater que cet employeur ne respecte pas la loi, cette décision doit absolument être soulignée, car le tribunal étend la notion d’établissement au lieu où se fait le télétravail. À l’heure de la pandémie alors que des milliers et des milliers de personnes se sont retrouvés à travailler à l’extérieur des lieux habituels de travail, cette décision est extrêmement importante », explique le directeur québécois, Renaud Gagné.

En effet, historiquement, les tribunaux ont interprété de manière restrictive la notion du travail effectué dans l’établissement. Ainsi normalement, les travailleurs basés à l’extérieur des murs de l’établissement d’un employeur qui effectuent du travail réservé aux membres d’une accréditation en conflit ne contrevenaient pas aux dispositions anti-briseurs de grève.

Mais dans le présent cas, la cour indique qu’il faut actualiser la notion d’établissement :

  • (186) Le Tribunal estime donc que le télétravail, avec toute l’ampleur qu’on lui connait à ce jour, milite pour une actualisation de la notion d’« établissement» contenue à l’article 109.1 du Code et pour une appréciation de son possible déploiement. »

Considérant qu’une des personnes ciblées effectuait du travail qui relève directement de l’exploitation de l’entreprise de chez elle, avec des équipements électroniques et communicationnels déployés par l’employeur, le TAT conclut que : « [202] En conséquence, l’« établissement » se déploie jusqu’à sa résidence. [205] Il y a donc contravention à l’article 109.1 g) du Code. ».

Cette décision est majeure parce qu’avec la situation actuelle, si on avait une interprétation restrictive de ce qui constitue un lieu de travail, il serait aisé pour un employeur d’avoir recours à des briseurs de grève en télétravail. Ça affaiblirait injustement le rapport de force entre les parties dans un conflit de travail », conclut M. Gagné.

Le tribunal rend ainsi une ordonnance permanente enjoignant au Groupe CRH Canada de cesser et de s’abstenir d’utiliser les services de Shanie Hébert, Patrice Aubin Guillemette, Frédérique Leclerc et Julie Racicot. Après une revue minutieuse du travail accompli par ces personnes, « Le Tribunal constate des contraventions aux dispositions anti-briseurs de grève ».

L’employeur a aussi l’obligation « d’afficher le jugement dans un endroit bien en vue sur les lieux du travail, et ce, jusqu’à ce que les parties aient conclu une convention collective ».

Les membres de la section locale 177 d’Unifor sont en lock-out depuis le 22 mai 2021.

Malgré de nombreuses rencontres en conciliation, le conflit perdure.

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