Le 6 avril dernier, le gouvernement libéral annonçait en grande pompe une supposée première politique bioalimentaire résultant de consultations auxquelles les principaux acteurs de l’agroalimentaire du Québec ont participé. « Supposée », puisqu’elle fait plus que s’inspirer de la Politique de souveraineté alimentaire déposée par le gouvernement du Parti Québécois en 2013 et qui fut saluée de toutes parts.
La politique libérale couvre un ensemble de secteurs – la santé publique, l’environnement, l’occupation du territoire et le bien-être animal, entre autres. C’est bien. Par contre, sa mise en œuvre risque de poser problème.
Le ministre annonce des investissements de 349 M$ sur 5 ans, dont 310 M$ seulement d’argent neuf – soit en moyenne 62 M$ par année. Or, depuis leur arrivée au pouvoir, les libéraux ont coupé le budget du MAPAQ d’un montant cumulatif de 836,6 M$, pour une moyenne de 167 M$ par année. Dans les faits, donc, le MAPAQ dispose d’environ 100 M$ de moins par année pour son fonctionnement ET pour la mise en œuvre de la nouvelle politique bioalimentaire. Trouvez l’erreur.
Quatre axes fondamentaux
Par ailleurs, puisque la politique bioalimentaire québécoise doit assurer la pérennité et le développement de l’agriculture au Québec, elle doit s’appuyer sur des fondements solides.
Faire de l’agriculture une priorité
Il est impératif d’élever l’agriculture au rang de priorité, et de lui fournir des moyens conséquents. Il faut reconnaître que l’agriculture contribue au maintien et à l’avancement de notre société, qu’elle a un effet structurant sur l’occupation de notre territoire, qu’elle représente un moteur économique de première importance. Et que grâce à elle, les Québécois peuvent s’alimenter sans dépendre des autres nations.
Appuyer et avantager la relève
On ne peut penser construire une politique bioalimentaire pérenne sans d’abord agir pour la relève agricole. Or, celle-ci a besoin de trois choses pour pouvoir entrer sur le marché et y prospérer : une accessibilité aux terres et au capital, un environnement fiscal compétitif, et une sécurité du revenu adéquate. Ce dernier élément, d’ailleurs, fait cruellement défaut à la politique libérale.
Faire de l’État un partenaire fiable
Comme partout ailleurs dans le monde, les agriculteurs et producteurs québécois ont besoin du soutien indéfectible de leur gouvernement. Et cet appui doit être en mesure de s’adapter aux réalités changeantes du milieu. Le rôle de l’État est de mettre en place un cadre financier stable, crédible et prévisible, qui permette d’atteindre des objectifs identifiés. Malheureusement, sur ce plan, la nouvelle politique gouvernementale ne répond pas aux attentes.
Assurer une pleine collaboration entre tous les acteurs
La synergie, l’action coordonnée, voilà la clé du succès de toute politique. En 2013, pour assurer la réussite de la Politique de souveraineté alimentaire, le gouvernement du Parti Québécois avait créé une table de concertation regroupant les producteurs, les transformateurs, les distributeurs et le MAPAQ. Une bonne idée qui fut abandonnée par les libéraux à leur retour au pouvoir, en 2014. Certes, la nouvelle politique bioalimentaire insiste sur la participation de tous les intervenants… mais, dans les faits, elle ne prévoit qu’« une rencontre annuelle ». Ce n’est pas sérieux!
Des enjeux majeurs sous le tapis
Plusieurs autres questions ne trouvent pas de réponse satisfaisante dans la nouvelle politique bioalimentaire : circuits courts et fraîcheur des aliments, traçabilité, étiquetage, programme de taxes foncières agricoles, gaspillage alimentaire, OGM… De plus, le gouvernement reste muet à propos du Fonds d’investissement pour la relève agricole, qui a grandement besoin d’être amélioré, et reporte commodément après les élections le problème de la fiscalité agricole. L’enjeu du filet de sécurité des agriculteurs n’avance pas lui non plus, malgré le très pertinent rapport du groupe de travail mené par François Gendron.
Le Parti Québécois veut aller plus loin
Dans sa nouvelle politique, le gouvernement omet d’appliquer un principe pourtant essentiel : celui de la réciprocité. Inscrit dans les règles de l’OMC, ce principe stipule qu’un produit doit respecter les normes de production qui prévalent dans le pays où il est importé. Or, au Québec, les règles de qualité, de protection de l’environnement, de santé publique, de bien-être animal sont très strictes. Évidemment, cela entraîne à la hausse les coûts de production. Il convient donc de mettre en œuvre des moyens musclés pour éliminer toute concurrence déloyale et assurer la sécurité des consommateurs. À ces fins, le Parti Québécois mettra notamment en place une escouade d’inspecteurs consacrée à la surveillance des produits importés.
Par ailleurs, viser les marchés d’exportation, c’est bien, mais retrouver dans nos assiettes davantage de produits québécois, c’est encore mieux. À nos yeux, le gouvernement doit donner l’exemple et acheter plus de produits de chez nous pour que les écoles, hôpitaux, CPE, CHSLD, prisons et autres institutions en servent davantage. Pour ce faire, il suffirait d’appliquer la Stratégie de positionnement des aliments du Québec sur le marché institutionnel, élaborée en 2013 par le gouvernement du Parti Québécois.
Bref, au-delà des intentions, fort louables, la nouvelle politique bioalimentaire ne répond pas aux attentes. Elle n’est pas dotée de moyens suffisants et passe sous silence des enjeux pourtant cruciaux. Au Québec, le secteur agroalimentaire, c’est 500 000 emplois; le Parti Québécois, lui, ne l’oublie pas.