La gestion municipale – une réforme s’impose!

Photo courtoisie

Suite à l’annonce du maire de la municipalité de Saint-Jean-de-Matha Martin Rondeau à l’effet de ne pas solliciter un second mandat à l’automne 2021. Ce dernier désire apporter des précisions quant aux problèmes observés dans l’administration municipale de façon générale et la réforme souhaitée.

Le maire de la municipalité de Saint-Jean-de-Matha a dénoncé récemment les lacunes importantes au niveau de la politique et la gestion municipale au moment de confirmer qu’il ne sollicitera pas un nouveau mandat à l’automne prochain. Parmi les mesures réclamées, les conditions de travail des élus municipaux, le manque de ressources au niveau de l’administration, l’instrumentalisation de la commission municipale par les adversaires politiques, les échéanciers irréalistes des programmes de subventions gouvernementales privant les municipalités de soumissionnaires et les débordements des réseaux sociaux. Il craint que ces difficultés rendent beaucoup moins attrayantes les élections municipales de novembre 2021 et privent plusieurs des 1108 municipalités du Québec, de bons candidats voire même plusieurs postes vacants.

Le maire Rondeau souhaitait à la même occasion expliquer la réforme nécessaire dans le milieu municipal et les solutions réalistes pouvant être considérées lors d’une telle réforme. D’abord, au niveau des conditions de travail des élus, la procédure visant à établir le salaire de ces derniers, notamment celle du maire est problématique. En effet, une fois élu, le conseil municipal doit adopter une résolution décrétant le salaire, en outre, du maire. Premier malaise important, car on impose aux conseillers nouvellement élus l’odieux de se compromettre sur cette décision que certains citoyens pourraient décrier comme opportuniste et empreinte d’intérêt mercantile. Dans certains autres contextes où les conseillers sont issus majoritairement d’une allégeance politique autre que celle du maire, l’occasion peut être tentante de réguler à la baisse son salaire. Ainsi, le maire Rondeau croit que le législateur devrait adopter une loi régissant les salaires et conditions des élus municipaux selon la taille et le budget de la municipalité à gérer. Cette loi pourrait établir des critères permettant les ajustements annuels ce qui éviterait un malaise entre les élus et favoriserait un meilleur climat de travail.

Afin de permettre une meilleure implication des citoyens à la politique municipale, il y aurait lieu de revoir certaines lois de travail afin de protéger les élus relativement aux présences obligatoires à différentes réunions ou assemblées sans qu’il puisse y avoir des conséquences sur l’emploi régulier de cet élu. Ces assouplissements aussi bien dans les lois du travail que dans les textes de conventions collectives pourraient encourager les citoyens à participer à la politique municipale sans craindre des représailles de leur employeur.

Les fonctions d’élus municipaux exigent des connaissances appropriées dans bien des domaines. D’abord, le maire doit posséder des connaissances de base sur les nombreuses lois municipales, la fiscalité, les règles d’urbanisme, les relations de travail, la gestion des contrats dans le domaine public, la sécurité publique, les communications médias et la déontologie. Les formations offertes par les associations municipales sont très dispendieuses et souvent hors de portée pour les petites municipalités. En effet, la gestion d’un budget municipal commande souvent des choix difficiles et la plupart du temps la dépense liée à la formation des élus est une des premières activités qui subit une coupure. Bien entendu, la loi oblige certaines formations de base, mais celles-ci sont insuffisantes. La simple distinction du rôle politique d’un élu et de l’action administrative municipale est bien souvent l’objet de confusion et de discorde au sein des conseils municipaux. La tenue des assemblées et l’exercice du processus décisionnel seraient grandement améliorés si de telles connaissances étaient acquises par les élus dès le début de leur mandat. Le gouvernement devrait prévoir des programmes de formations accessibles et attrayants pour les élus afin d’augmenter la performance de leur travail et par le fait même favoriser une atmosphère plus harmonieuse lors de ces rencontres de travail.

Le maire Rondeau dénonce aussi de nombreuses déficiences dans les programmes de subvention du gouvernement attribués en outre pour la réfection ou améliorations des infrastructures municipales. La confirmation d’attribution d’aide parvient aux municipalités souvent au cours de l’été et les échéanciers imposés obligent les municipalités à faire leur reddition de compte avant la fin de l’année. Ainsi, ce n’est qu’à partir du moment où l’autorisation de la dépense est émise par le ministre que les municipalités peuvent publier leurs appels d’offres pour espérer avoir le meilleur soumissionnaire, et ce, à des coûts raisonnables. Dans le cas où la confirmation du ministre arrive en juillet, le délai devant être respecté pour la publication des appels d’offres expire souvent vers la fin du mois d’août. Ainsi, dans le meilleur des cas, le plus bas soumissionnaire conforme obtiendra le contrat au début de septembre et devra avoir terminé les travaux au plus tard début novembre, car il est hasardeux par exemple, d’installer de l’asphalte après cette date due au climat de notre province. Cette contrainte d’échéancier décourage souvent les soumissionnaires ou les oblige à considérer, dans leur soumission, la pénalité potentielle due au non-respect des délais. Plusieurs municipalités du Québec ont reçu, avec bonheur, la confirmation de l’octroi d’une subvention, pour apprendre par la suite, avec tristesse, la perte de celle-ci à cause de l’absence de soumissionnaires. Sur un contrat de trois millions, une pénalité de 15% représente 450 000$. Ainsi, certaines municipalités ont reçu des soumissions incluant ces pénalités ce qui représente un inconvénient bien moins pire que l’absence de soumissionnaire et la perte de subvention. À l’échelle de la province, c’est donc de grosses sommes perdues et récoltées à même les taxes aux contribuables à cause de ces extras liés aux pénalités parce que les échéanciers établis par le gouvernement sont irréalistes.

Parmi les autres lacunes dénoncées par le maire Rondeau figure la pénurie d’employés municipaux faisant en sorte que bien des municipalités se retrouvent bien souvent dépourvus de fonctionnaires à certains postes ou encore devant augmenter considérablement les qualités des conditions de travail pour rendre plus intéressant l’emploi vacant. Le maire sollicite du gouvernement l’instauration de programmes de formations pour ces postes, de niveau professionnel ou technique, et ce, dans des établissements à proximité des municipalités de façon à promouvoir des carrières dans la fonction publique municipale.

Depuis la commission Charbonneau, les lois concernant le respect de la déontologie municipale et l’assurance d’une gestion saine et intègre se sont fortement durcis. Or, le moindre doute sur le non-respect d’une règle de déontologie ou de l’intégrité d’un geste posé par un élu municipal peut déclencher une enquête par la commission municipale. Dans bien des cas, il semble que les plaintes sont souvent initiées par des adversaires politiques qui instrumentalisent la commission à des fins politiques. Un déséquilibre important se crée alors du fait que l’élu ainsi visé ne peut d’aucune façon répliquer sans risquer de faire l’objet d’une seconde plainte pour représailles envers le plaignant. Les adversaires politiques ont bien compris l’efficacité de cette arme et s’en servent abondamment. Juste au cours des deux dernières années, près de 80% des plaintes reçues ont été rejetées, et ce, après un long processus d’enquête et procès dont les coûts de la défense de l’élu, assumés par la municipalité, représentent de fortes sommes. Il y a lieu de revoir sérieusement ce processus d’enquête et redéfinir les critères permettant d’enclencher les enquêtes, notamment, lorsque le plaignant est un adversaire politique.

En terminant, le maire Rondeau dénonce la virulence avec laquelle les internautes attaquent les élus municipaux sur les réseaux sociaux qu’il qualifie de marécages nauséabonds. Évidemment, la liberté d’expression protégée par la constitution (charte) a fait l’objet de plusieurs mises au point par les cours de justice depuis plusieurs années. L’on sait que la limite se pose lorsque les propos diffusés menacent, intimident ou portent atteinte à l’intégrité d’une personne, ce qui malheureusement ne semble pas restreindre les utilisateurs des réseaux sociaux. Les municipalités, en tant que gouvernement de proximité, prennent des décisions qui touchent directement le quotidien des citoyens. La conformité d’une construction, le zonage dans certains secteurs, les taxes municipales, les aides aux organismes, la réfection des chemins, tout cela a un impact sur le citoyen dès son adoption. Bien souvent, l’élu municipal connait personnellement ces citoyens et la réaction vive de ces derniers peut être blessante. C’est dans ce contexte que l’utilisation des réseaux sociaux doit être évaluée dans le milieu municipal. La démagogie, la désinformation, l’intimidation et les propos dénigrants attaquant l’intégrité de l’élu peuvent déstabiliser un élu au point de créer chez lui un stress considérable, une perte de motivation et parfois même un état dépressif. Tout cela sans parler de l’intimidation ou du harcèlement pouvant générer une crainte insupportable par l’élu. Bien entendu, cette réalité ne rend pas la fonction attirante pour des nouveaux venus qui songeraient à cette carrière. Une réglementation quant aux limites de l’utilisation des réseaux sociaux relativement à l’action municipale ou prévoyante des impacts pour ceux qui dépassent les limites serait souhaitable.

Tous ces éléments soulevés dans cet article justifient une prise de conscience de la part du législateur pour faire en sorte que des citoyens talentueux et désireux de s’impliquer envisagent positivement cette expérience. Cette réforme souhaitée ouvrirait la porte à un processus électoral plus démocratique en offrant aux citoyens un choix plus diversifié parmi les candidats plutôt que des élections par acclamation due au manque de candidats ou même l’absence de candidats pour certains postes.