La ceinture fléchée, symbole régional de Lanaudière, rehausse le nouveau 10$ canadien

Courtoisie

Depuis le 1er juin 2017 la grande ceinture fléchée dite de l’Assomption est imprimée sur notre nouveau 10 $. La monnaie royale du Canada a choisi ce symbole pour ceinturer le bas de ce billet de banque. Pour les citoyens de Lanaudière, c’est une grande fierté puisque cet élément de costume est le symbole régional depuis janvier 1985.

La monnaie Royale du Canada décrit la présence de la ceinture fléchée sur le billet de banque en mentionnant que : « Ce motif reproduit l’aspect caractéristique de la ceinture fléchée (aussi appelée « ceinture de l’Assomption »), qui est un important symbole culturel des Métis. La ceinture fléchée revêt aussi de l’importance dans la culture canadienne-française. Portée par les habitants, elle est devenue une marque particulière aux voyageurs et aux commerçants de fourrures au cours du 18ème siècle.        

Patrimoine immatériel du Québec, Symbole Métis, Symbole de Lanaudière

Le ministère de la Culture du Québec a procédé le 12 février 2016 à la désignation du fléché comme patrimoine immatériel du Québec. L’élément a été ainsi incorporé au Registre du patrimoine culturel du Québec au même titre que le chant de gorge des Inuits.  En janvier 1985, Lanaudière par ses instances réunies en Sommet Économique, a résolu que la Grande Ceinture Fléchée dite L’Assomption aux motifs éclairs et flammes, soit reconnu comme symbole de Lanaudière afin de créer un signe qui représente ses habitants, une image d’excellence  qui déclenche une fierté et un signe d’appartenance.

La sauvegarde du fléché au Québec

Pour la population canadienne-française la ceinture fléchée était déjà un symbole de notre culture en Amérique du Nord. Tout le travail en fléché produit dans notre région Lanaudière et dans plusieurs villes et villages du Québec au 19ème et 20ème jusqu’à nos jours au 21ème siècle, a été effectué en majorité dans nos localités. Mémoire vivante qui a failli s’éteindre à l’arrivée de l’ère industrielle car, en 1880 à Coventry en Angleterre, la Compagnie de la Baie d’Hudson fit confectionner de fausses ceintures fléchées sur des métiers mécaniques aux couleurs vives, teintes chimiquement.

Au début du 20ème siècle, quelques personnes ont heureusement voulu remettre à l’honneur cette technique, dont Marius Barbeau notre 1er ethnologue et Édouard-Zotique Massicotte de la Société Royale du Canada qui reconnaissent en cet accessoire de vêtement « un chef-d’œuvre de notre industrie domestique ». En 1928 M. Barbeau rassemblait au Château Frontenac de Québec des artistes et artisans de chansons et arts populaires. Deux artisanes de chez-nous y participaient dont Mesdames Marie Gaudet Vigneault native de St-Côme (1854-1932) et Élisabeth Mireault Lord (1866-1943) de Ste-Marie-Salomé. Madame Germaine Galarneau de Québec, les Ursulines, le ministère de l’Agriculture du Québec et en 1970 l’Association des Artisans de ceinture fléchées du Québec fondée par Madeleine L’Heureux, Lucien Desmarais et Suzanne Galaise de Montréal et Adèle Roy de Québec furent à tour de rôle des bons gardiens du fléché. 

La sauvegarde du fléché dans Lanaudière

Madame Flore-Ida Chevalier, Laporte, Robert de St-Ambroise-de-Kildare qui en 1967 voulait fêter à sa manière les 100 ans de la Confédération Canadienne se rendit au magasin à rayon Dupuis Frères sur la rue Ste-Catherine à Montréal. Elle voulait attirer l’attention des citoyens par une démonstration du fléché sur cet art merveilleux. Elle disait à son élève en fléché Pierre-Bélanger (1942-1986) qu’elle avait appris à flécher de Marie Gaudet Vigneault en 1925 et que celle-ci mettait souvent un peu de fils de laine roses dans ses pièces. Elle lui avait aussi dit en 1974: « Mon petit garçon, quand j’ai commencé à flécher, on achetait des laines avec une torsion très fine et les couleurs étaient différentes, moins brillantes que celles d’aujourd’hui. » Les recherches de Pierre-Bélanger, pour redonner au fléché sa facture ancienne, commencèrent dès ce moment : teindre avec des teintures végétales et animales, retordre cette laine 2 brins de grande qualité, la cirer pour l’imperméabiliser et surtout après des centaines d’heures de pratiques l’enseigner à plus de 200 cent personnes dans notre région. Il a transmis cette tradition retrouvée, offert des démonstrations, tenu des expositions et multiplié inlassablement les ateliers en toutes saisons. Ses recherches reliées aux origines de la ceinture fléchée concluaient en faveur de la tradition amérindienne qui aurait connu un développement extraordinaire au Canada français grâce à l’approvisionnement en laines très fines distribuées par les comptoirs de fourrure anglais ou écossais disséminés un peu partout au Canada actuel et au nord des États-Unis. Les artisans et artisanes de l’Association des artisans de ceinture fléchée section Lanaudière fondée en 1979 par Pierre-Bélanger, Collette Coutu Gingras et Madame Michelle Beauvais (maintenant à Granby) sont pour la majorité issus de la lignée traditionnelle qui passe par Pierre Bélanger pour se rattacher à Marie Gaudet et sa grand-mère acadienne Charlotte Hébert née en 1798 : les flécheurs et flécheuses de Lanaudière contribuent fortement en ce 21ème siècle à l’essor du fléché.

La standardisation

C’est la Compagnie de la Baie d’Hudson qui a standardisé le motif dit de l’Assomption car, dès 1821 après avoir acheté la Compagnie du Nord-Ouest, elle commandait en grand nombre ses ceintures fléchées de leur comptoir de fourrures situé à L’Assomption. Ce sont les familles pour la plupart de souches acadiennes qui arrivèrent à la Seigneurie de St-Sulpice en 1766-68 qui les confectionnaient en grand nombre. C’est ainsi que la ceinture fléchée a servi de « pièce de monnaie » ayant un cœur rouge au centre et bordée de corridors avec un ordre fixe de couleurs et de motifs éclairs et/ou de flammes de chaque côté : ainsi étaient-elles échangées, troquée contre des grandes peaux de castor. Transportées de l’Assomption à Lachine en canot, elles partaient vers les comptoirs de fourrures de l’ouest et du nord-ouest du Canada dans les grands canots de maîtres dirigés par les voyageurs. La Maison du Fléché Bélanger de Ste-Marcelline-de-Kildare possède dans ses archives familiales un répertoire des familles qui ont fléché dans les municipalités de notre région (Ste-Julienne, Ste-Marie-Salomé, St Jacques de l’Achigan…)

Confection d’une ceinture fléchée

La technique du fléché se travaille uniquement avec les doigts sans aucun outil ou instrument. Tresser une ceinture fléchée traditionnelle peut prendre jusqu’à 500 à 700 heures dépendamment si on teint sa laine, la retord et la cire. Il faut alors calculer le temps de cueillette des plantes, les étapes de teinture des laines dans les chaudrons, l’ourdissage et enfin la confection. C’est pourquoi son prix peut être très élevé entre deux et quatre mille dollars: on peut tout aussi bien confectionner des foulards, des bracelets, des bandeaux, des signets ou des bandoulières ce qui diminue son coût entre dix et quelques centaines de dollars.

Un art unique et original en vedette chez nous

La Maison du Fléché Bélanger fondée en 2015 à Ste-Marcelline-de-Kildare illustre parfaitement ce concept de patrimoine immatériel : elle est le seul lieu au monde à mettre à l’honneur une exposition permanente sur le fléché et son histoire « Une passion, une identité, une ceinture fléchée ».  Elle favorise par ses ateliers de fléché traditionnel, ses ateliers de filage de la laine au rouet, ses ateliers de teintures végétales et animales, ses ateliers sur le pain cuit au four à bois traditionnel et ses nouveaux ateliers sur les plantes médicinales toute la rigueur et la joie de transmettre les savoirs-être et savoir-faire transmis de génération en génération qui s’inscrivent dans des lignées traditionnelles. De plus, les visiteurs peuvent visiter les jardins de plantes tinctoriales et textiles.

 

Pour voir le nouveau billet de banque : https://www.banqueducanada.ca/billets/billet150/