Les médecins de famille des Laurentides et de Lanaudière craignent les répercussions du projet de loi 106 déposé le 8 mai dernier par le ministre de la Santé, lequel mettrait à risque l’accès aux soins et marquerait notamment la fin du modèle « un patient, un médecin », soit l’essence même de la médecine de famille.
Bien que présenté comme une solution pour améliorer l’accès aux soins, le projet de loi 106 est en fait de la poudre aux yeux et occasionnera tout le contraire, en plus de favoriser l’exode des médecins vers d’autres provinces, voire d’autres carrières. « On oublie trop vite que nos soignants, ce sont d’abord et avant tout des humains. Comment est-ce possible de leur exiger l’impensable? De leur imposer ce qu’on imposerait jamais à d’autres? Les médecins de famille portent sur leurs épaules tout le fardeau d’un système qui craque de partout depuis trop longtemps. De plus en plus d’entre eux songent à quitter pour sauver leur peau et on ne peut pas leur en vouloir », affirme Dre Lyne Couture, médecin de famille et présidente de l’Association des médecins omnipraticiens des Laurentides-Lanaudière (AMOLL).
Manque criant de ressources
Promettre l’accès à un milieu de soins pour chaque patient sans œuvrer d’abord pour pallier la pénurie de 2 000 médecins de famille qui sévit partout au Québec, c’est se mettre la tête dans le sable. « C’est l’équivalent de donner rendez-vous à 200 automobilistes pour un changement d’huile en même temps dans un même garage : on ne fournira pas. Et ce n’est pas parce qu’on ne veut pas, mais plutôt parce qu’on n’a pas les ressources pour le faire », poursuit-elle. Dans la région des Laurentides et de Lanaudière, la pénurie de médecins de famille est respectivement estimée à 150 et 125.
Au détriment de la prévention, des suivis longitudinaux et des relations durables que les médecins de famille tissent avec leurs patients, c’est la performance que le gouvernement exige avec son nouveau projet de loi. « La performance des médecins ne peut reposer sur des facteurs dont ils n’ont pas le contrôle. Est-ce qu’on rémunère le météorologue en fonction des heures d’ensoleillement? Le manque de vision et la mauvaise gestion du gouvernement font en sorte que, depuis trop longtemps, les délais pour passer des examens, entre autres, ne sont pas respectés, faute de personnel. Et pendant ce temps, des postes sont coupés dans les CISSS. Ce sont nos professionnels et collaborateurs alliés qu’on perd. Comment est-ce que les soins vont s’améliorer? C’est un non-sens. Le gouvernement parle des deux côtés de la bouche! », termine Dre Couture.
Le saviez-vous?
- Les médecins de famille travaillent en moyenne 51,8 heures par semaine, dont plus de 10 sont consacrées à des tâches administratives et près de 5 à d’autres tâches.*
- Tout médecin de famille doit s’engager à effectuer une partie de sa pratique dans des activités médicales particulières (AMP) déterminées par le MSSS. Ainsi, les médecins de famille comptant moins de 15 ans de pratique doivent accorder 12 heures par semaine à différents secteurs d’activités comme l’urgence, l’hospitalisation, l’obstétrique, les soins à domicile, etc.
*Source: Association canadienne de médecine